En cinquante ans, la proportion de zones des océans dépourvues d’oxygène a plus que quadruplé, avec pour conséquence l’asphyxie de la faune marine.
Le principal poumon de la Terre n’est pas la forêt amazonienne mais l’océan. Le phytoplancton présent dans l’eau produit plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons. Mais, de plus en plus, nos océans suffoquent.
Selon une étude parue le 5 janvier dans la revue Science et relayée par le CNRS, l’océan a perdu 2 % de son oxygène au cours des cinquante dernières années.
Cette étude – menée par le Global ocean oxygen network, un groupe de travail créé en 2016 par la Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco – est la première à analyser si largement les causes, les conséquences et les solutions à la désoxygénation à travers le monde.
Quel est le constat ?
Les zones de haute mer où la teneur en oxygène est minimale ont augmenté d’une superficie équivalente à celle de l’Union européenne (4,5 millions de km2). Pire, les zones mortes, totalement privées d’oxygène, ont plus que quadruplé au cours de la même période.
Les eaux côtières ne sont pas épargnées. Plus de 500 zones présentent une concentration d’oxygène inférieur à 2 mg/litre, le seuil souvent utilisé pour délimiter l’hypoxie. Avant 1950, moins de 10 % de ces sites souffraient d’hypoxie.
Les zones de l’océan et des côtes avec de faibles teneurs en oxygène ou avec une teneur déclinante. – R. Diaz/réseau GO2NE/World Ocean Atlas 2009
Pourquoi la teneur en oxygène décline ?
D’après les chercheurs, ce déclin est directement lié à l’activité humaine. En haute mer, le changement climatique, dû aux gaz à effet de serre, est le principal responsable. L’eau se réchauffe trop en surface et empêche l’oxygène d’atteindre les profondeurs de l’océan (l’eau chaude étant moins « lourde » que l’eau froide).
Sur les côtes, la production agricole (phosphates et nitrates issus des engrais) et le rejet des eaux usées sont directement en cause. Le milieu reçoit trop de nutriments, trop rapidement, avec pour conséquence une multiplication des algues et des bactéries. Ces dernières se nourrissent de cet excès de nutriment et consomment progressivement tout l’oxygène des eaux profondes.
Quelles répercussions sont à craindre ?
S’il fallait le rappeler, « l’oxygène est fondamental à la vie dans les océans », souligne Denise Breitburg, écologue marin et principal auteur de l’étude dans « The Independent ».
Dans les zones mortes, beaucoup d’animaux meurent asphyxiés. Comme les poissons évitent ces zones, leur habitat se réduit et ils se retrouvent plus exposés aux prédateurs et à la pêche.
Même dans les zones où l’on constate seulement une petite baisse en oxygène, cela peut freiner la croissance des espèces, entraver leur reproduction et entraîner des maladies.
«Cela montre la pression qui est exercée sur nos océans, insiste Lyndsey Dodds, responsable de la politique marine du Royaume-Uni au WWF. On entend beaucoup parler de la pollution plastique et de la surpêche mais ce problème suscite moins l’attention malgré son impact potentiellement catastrophique. »
Cette mort de la vie marine menace directement les bénéfices que l’homme tire des océans. L’économie bleue est responsable de plus de 350 millions d’emplois à travers le monde et pourrait générer jusqu’à 920 milliards de dollars de retombées économiques d’ici à 2050, comme le rappelait le WWF en 2015.
Source: Les Echos