Carbon Wars #2: Et aujourd’hui ?

Overview

D’après le rapport annuel de la Banque mondiale « State and Trends of Carbon Pricing» [2], 25 % des émissions mondiales de GES sont couvertes par un prix carbone à travers 40 pays et 25 provinces ou villes en 2017. Derrière ces chiffres encourageant se cachent tout de même de grandes disparités de prix et d’approches. On observe en effet que le prix varie entre 0,8€ et 102€/tCO2eq avec, tout de même, des recettes couvertes à 75 % par un prix carbone inférieur à 10€. Du côté des outils, ces différents prix carbone prennent la forme de taxes (Japon) ou bien d’un système d’échange de quotas d’émissions (Californie), les deux mécanismes étant parfois couplés (France).

Un mouvement mondial

En décembre 2017, la Chine a officialisé une partie importante de son marché carbone qui était alors en phase d’expérimentation. Ainsi 1 700 installations sont désormais couvertes par un marché national du carbone soit 3 500 mégatonnes de CO2 (contre 1 939 pour le marché de l’UE) [1]. Côté européen, la Suisse et l’UE ont signé un accord pour fusionner leur marché de quotas pendant qu’outre Manche une entente a été trouvée suite au Brexit pour éviter que le Royaume-Uni ne sorte de ce même système d’échange. Enfin, en 2017, un nombre significatif de pays et de régions ont rejoint le mouvement avec l’introduction de taxe carbone (Colombie britanique, Alberta, Chili, Colombie) ou d’un marché de quotas (Australie et Ontario) [5]. C’est aussi le fruit d’une collaboration internationale qui a permis la signature de l’accord CORSIA au sein de l’ICAO (Organisation internationale de l’aviation civile). Cet accord fixe un maximum d’émission de gaz à effet de serre en 2020 [6].

Ci-dessous, un panorama mondial des taxes et marchés carbone en place [3]:carte [3]

Aussi vu sous la forme d’une répartition relative par pays [2]:

graph [2]

légende [2]

Quelles recettes ?

Pour l’année 2016, l’ensemble de ces initiatives représente une recette publique globale de $22 milliards. Parmi ces recettes, 2/3 proviennent de taxes et plus de 60 % des revenus proviennent des pays membres de l’Union européenne. L’utilisation de ces recettes change selon les Etats avec, à l’échelle mondiale, 34% des revenus utilisés pour des projets dédiés à la transition bas-carbone, 37% alloués dans le budget public général et 29% financent les exemptions de taxes fiscales [3]. A titre de comparaison, ce montant de $22 milliards représente 3 % de l’investissement estimé pour assurer la transition énergétique mondiale et éviter un réchauffement global supérieur à 2°C (1 % du PIB mondial [4]). Dans un autre domaine cette somme est aussi égale aux bénéfices de Microsoft sur l’exercice 2017.

Des Etats mais pas que !

Au delà des Etats, ce sont les entreprises qui appliquent le prix carbone dans leur quotidien et jouent à ce titre un rôle important dans l’adoption d’un prix carbone. Cette adaptation est visible puisque le nombre d’entreprises utilisant un prix interne du carbone a plus que triplé entre 2014 et 2016. Le total s’élève donc à 1 400 entreprises en 2017 dont 100 figurent dans le classement Fortune Global 500 représentant un chiffre d’affaire de 7 000 milliards de dollars [7]. Mais ce sujet passionnant du prix carbone dans les entreprises sera traité dans un prochain article…

K.H.

Sources

1: Connaissance des Energies
2: World Bank, State and Trends of Carbon Pricing, 2017
3: Connaissance de énergies
4: IETA
5: ICAP
6: I4CE, Panorama mondial des prix du carbone en 2017
7: Stern, Stern Review, 2006
8: Carbon Disclosure Project

Carbon Wars #1: Histoire et définition

Définition

Selon la Banque Mondiale, « donner un prix au carbone contribue à faire peser le poids des dommages découlant des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur ceux qui en sont responsables et qui sont en mesure de les faire baisser ».
Il existe deux principaux types de mécanisme pour fixer ou faire émerger un prix du carbone :

  • Les taxes carbone :

La taxe carbone est une taxe ajoutée au prix de vente de produits ou de services en fonction de la quantité de gaz à effet de serre, émis lors de leur utilisation. (INSEE)

  • Les systèmes d’échange de quotas soit le concept de marché du carbone:

Ils consistent à attribuer un prix aux droits à émettre des GES afin d’inciter des acteurs – États ou entreprises – à réduire leurs propres émissions en échangeant entre eux des « droits à polluer ». Un « quota » correspond généralement à l’autorisation d’émettre une tonne d’équivalent de dioxyde de carbone (CO2e) et constitue un étalon communément accepté pour les échanges.

  • Autres concepts de prix carbone

(Dé)Valorisation d’actifs : Un prix du carbone appliqué au stock existant de capital et un autre appliqué aux nouveaux investissements à bas carbone.

Corridor Carbone : Un prix minimum de 15 à 20 $/tonne CO2 avant 2020 et un prix cible de 60 à 80 $/tonne CO2 en 2030/2035.

Mécanisme de développement propre : Une entreprise d’un pays développé investit pour un projet de développement à faible intensité carbone dans un pays en voie de développement. L’entreprise rapatrie la valeur financière des émissions de CO2  évitées par rapport à un projet similaire intense en carbone. Il peut aussi polluer lui-même dans les proportions de ce que son investissement a évité.

L’objectif

La Commission de haut niveau sur le prix du carbone décidée à la COP 22 de Marrakech, en novembre 2016, a présenté son rapport le 29 mai 2017 : pour atteindre l’objectif de 2 degrés de réchauffement fixé par l’Accord de Paris sur le climat, le prix de la tonne de carbone devra dépasser 40 dollars en 2020 et tendre ensuite vers les 80 dollars ; selon les experts de cette commission coprésidée par Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, et Nicholas Stern, ancien vice-président de la Banque mondiale, ce prix devra être compris entre 50 et 100 euros la tonne dès 2030.

Historique

L’idée de donner un prix au carbone était déjà présente en 1992 au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro. Le protocole de Kyoto de 1997 prévoyait l’instauration d’un marché du carbone mais par manque de détail sur l’application de ce marché il a fallut attendre les Accords de Marrakech en 2001 pour débuter le processus.

Ce système était inspiré d’un outil américain développé dans les années 1990 afin de contrôler les émissions de dioxyde de soufre, qui avait permis de diviser par deux ces émissions en quelques années. Le changement d’échelle de cet outil (passage de 2000 à 12000 acteurs concernés) a rendu la mise en œuvre difficile d’autant plus qu’au départ, l’Union européenne a émis trop de quotas puis a été victime de la crise économique de 2008, si bien que la plupart des installations se sont trouvées excédentaires, et le prix du carbone s’est effondré : il fluctue entre 5 à 7 €/tonne CO2 depuis 2012. A cela s’ajoutent de nombreuses fraudes : fraudes à la TVA, vols de quotas, installations qui ferment mais qui conservent leurs allocations, ainsi que des détournements du « mécanisme de développement propre ».

Dans le sillage de l’UE, plusieurs pays ont lancé leurs propres initiatives comme la Chine, l’Afrique du Sud et le Mexique. La Norvège fait figure de bon élève puisqu’elle possède une taxe carbone depuis 1991, et environ la moitié de l’ensemble de ses émissions de GES sont compensées à l’heure actuelle.

L’état de l’art du prix carbone à travers le monde sera traité dans un article dédié. Coming soon…

K.H.

Ca chauffe pour les Océans!

En cinquante ans, la proportion de zones des océans dépourvues d’oxygène a plus que quadruplé, avec pour conséquence l’asphyxie de la faune marine.

Le principal poumon de la Terre n’est pas la forêt amazonienne mais l’océan. Le phytoplancton présent dans l’eau produit plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons. Mais, de plus en plus, nos océans suffoquent.

Selon une étude parue le 5 janvier  dans la revue Science et  relayée par le CNRS, l’océan a perdu 2 % de son oxygène au cours des cinquante dernières années.

Cette étude – menée par le Global ocean oxygen network, un groupe de travail créé en 2016 par la Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco – est la première à analyser si largement les causes, les conséquences et les solutions à la désoxygénation à travers le monde.

Quel est le constat ?

Les zones de haute mer où la teneur en oxygène est minimale ont augmenté d’une superficie équivalente à celle de l’Union européenne (4,5 millions de km2). Pire, les zones mortes, totalement privées d’oxygène, ont plus que quadruplé au cours de la même période.

Les eaux côtières ne sont pas épargnées. Plus de 500 zones présentent une concentration d’oxygène inférieur à 2 mg/litre, le seuil souvent utilisé pour délimiter l’hypoxie. Avant 1950, moins de 10 % de ces sites souffraient d’hypoxie.

Les zones de l’océan et des côtes avec de faibles teneurs en oxygène ou avec une teneur déclinante. – R. Diaz/réseau GO2NE/World Ocean Atlas 2009

Pourquoi la teneur en oxygène décline ?

D’après les chercheurs, ce déclin est directement lié à l’activité humaine. En haute mer, le changement climatique, dû aux gaz à effet de serre, est le principal responsable. L’eau se réchauffe trop en surface et empêche l’oxygène d’atteindre les profondeurs de l’océan (l’eau chaude étant moins « lourde » que l’eau froide).

Sur les côtes, la production agricole (phosphates et nitrates issus des engrais) et le rejet des eaux usées sont directement en cause. Le milieu reçoit trop de nutriments, trop rapidement, avec pour conséquence une multiplication des algues et des bactéries. Ces dernières se nourrissent de cet excès de nutriment et consomment progressivement tout l’oxygène des eaux profondes.

Quelles répercussions sont à craindre ?

S’il fallait le rappeler, « l’oxygène est fondamental à la vie dans les océans », souligne Denise Breitburg, écologue marin et principal auteur de l’étude dans « The Independent ».

Dans les zones mortes, beaucoup d’animaux meurent asphyxiés. Comme les poissons évitent ces zones, leur habitat se réduit et ils se retrouvent plus exposés aux prédateurs et à la pêche.

Même dans les zones où l’on constate seulement une petite baisse en oxygène, cela peut freiner la croissance des espèces, entraver leur reproduction et entraîner des maladies.

«Cela montre la pression qui est exercée sur nos océans, insiste Lyndsey Dodds, responsable de la politique marine du Royaume-Uni au WWF. On entend beaucoup parler de la pollution plastique et de la surpêche mais ce problème suscite moins l’attention malgré son impact potentiellement catastrophique. »

Cette mort de la vie marine menace directement les bénéfices que l’homme tire des océans. L’économie bleue est responsable de plus de 350 millions d’emplois à travers le monde et pourrait générer jusqu’à 920 milliards de dollars de retombées économiques d’ici à 2050, comme le rappelait le WWF en 2015.

Source: Les Echos