Droit de réponse: L’hydrogène n’est pas une niche technologique

Cet article concerne une réponse à la publication de Pierre Papon, ex-Directeur Général du CNRS, intitulé « Hydrogène : une filière d’avenir…..destinée à le rester ? ». Cet article a été publié sur le site internet Le Monde de l’énergie

Voici l’article de M. Papon:

« De nombreuses déclarations d’instituts de recherche et d’entreprises ont remis, récemment, la filière hydrogène à l’ordre du jour.

Le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a présenté le 1er juin un plan gouvernemental pour promouvoir la filière.

Celle-ci qui est associée à la technologie des piles à combustible a-t-elle un avenir ? Il est utile de rouvrir ce dossier complexe qui ressurgit périodiquement.

 

Rappelons d’abord que le principe de la filière hydrogène associé à la technique de la pile à combustible est connu depuis près de deux siècles.

Aujourd’hui, les débats sur la transition énergétique et sur les énergies «décarbonées » lui ont redonné une certaine actualité.

Le futurologue Jeremy Rifkin, considérait, en 2002, dans son livre, L’économie hydrogène que la fin du pétrole était imminente et que l’hydrogène se substituerait au pétrole comme vecteur énergétique quand celui-ci serait épuisé.

Rappelons quelques données physiques. L’hydrogène a l’avantage  de posséder des propriétés énergétiques remarquables ce qui explique son intérêt : il est le vecteur énergétique avec la plus grande densité massique (2,2 fois plus d’énergie par kg que le gaz naturel, 1kg d’hydrogène est équivalent à 3,8 l d’essence soit 2,75 kg).

Toutefois, c’est un gaz léger, ne se liquéfiant qu’à très basse température (- 253 °C) et il faut dépenser en pratique 10-13 kWh/kg pour le liquéfier.

Par ailleurs, il faut aussi observer, ce que l’on fait rarement, que sa plage d’inflammabilité avec l’air est très étendue (5 fois plus que celle du gaz naturel) et avec une énergie d’inflammation très faible (14 fois moins élevée que celle du gaz naturel).

C’est un gaz dangereux et comme il est très léger il diffuse très facilement, notamment dans les métaux qu’il peut fragiliser, son utilisation à grande échelle exige donc des règles de sécurité importantes pour le stocker et le transporter (un stockage dans des réservoirs métalliques peut être dangereux).

L’hydrogène est un gaz industriel produit essentiellement par « vapo-reformage » d’hydrocarbures avec de la vapeur d’eau, et marginalement par électrolyse de l’eau avec une électricité… qui est souvent produite par des centrales thermiques, avec un rendement de l’électrolyse de l’eau alcaline qui n’est, en moyenne, que de 70%.

L’hydrogène, une solution majeure dans le mix énergétique ?

  Le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot  a présenté le 1er juin un « Plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique ».

Il a affirmé que dans la perspective de la transition énergétique « l’hydrogène peut aussi devenir une solution majeure pour notre mix énergétique tout d’abord en rendant possible le stockage à grande échelle des énergies renouvelables, permettant ainsi de rendre crédible un monde où l’hydrogène vient se substituer, petit à petit, au fossile et au nucléaire pour combler les intermittences du solaire et de l’éolien ».

Le programme gouvernemental fixe deux objectifs principaux à la filière : – stocker l’électricité produite par des filières renouvelables intermittentes sous forme d’hydrogène produit par électrolyse de l’eau qui est ensuite distribué dans un réseau de gaz (éventuellement transformé en méthane) ou utilisé dans une pile à combustible pour produire de l’électricité débitée dans le réseau électrique – développer des « mobilités propres » en utilisant l’hydrogène dans une pile à combustible alimentant un moteur électrique.

Le ministère souligne plusieurs avantages de cette solution :

– un faible temps de recharge (trois minutes équivalent temps nécessaire à un plein d’essence,image de tête une voiture à hydrogène Hyundai) ce qui est exact

– une autonomie équivalente à celle d’un moteur thermique ce qui aussi est exact

– un poids plus faible du véhicule avec un encombrement moindre car la pile à combustible est plus petite qu’une batterie, l’argument est spécieux dans la mesure où l’hydrogène doit être stocké sous haute pression (700 bars) dans un réservoir en matériau composite dont le volume est de l’ordre de 125 l et le poids pas inférieur à 100 kg.

Plusieurs objectifs chiffrés sont fixés : à l’horizon 2023 faire rouler 5 000 véhicules utilitaires légers et 200 lourds avec 100 stations de recharge sur le territoire (une par département !) avec, éventuellement un « verdissement » du ferroviaire (quelques trains à hydrogène).

Pour « verdir » la production d’hydrogène le ministre fixe un objectif de 10% pour la part de l’hydrogène produite à partir de ressources renouvelables en 2023.

Cent millions d’euros seraient mobilisés jusqu’en 2023 pour ce plan.

Que dit l’Ademe ?

Dans un rapport publié, en avril 2018, Le vecteur hydrogène dans la transition énergétique, l’ADEME avait fait le point sur les potentialités de la filière.

On trouvait dans son document les prémices du plan gouvernemental avec ses deux objectifs principaux : le stockage de l’électricité et la mobilité électrique.

L’ADEME souligne que la filière hydrogène apporterait des solutions de flexibilité et d’optimisation aux réseaux énergétiques.

Elle envisage ainsi un scénario à l’horizon 2035 avec 64 % d’électricité d’origine renouvelable permettant de produire 30 TWh d’hydrogène par an à un coût inférieur à 5 € le kg. Elle relève également que l’hydrogène ouvre des perspectives pour l’autoconsommation à l’échelle d’un bâtiment, d’un îlot ou d’un village pour stocker de l’énergie.

Les conclusions de l’ADEME sont très mesurées et le plan gouvernemental n’y fait aucune référence, elle souligne que les risques accidentels sont souvent évoqués et que « le rendement des solutions associées à l’hydrogène est de l’ordre de 20 à 30% contre plus de 80% pour les technologies liées aux batteries ».

Le recours à l’hydrogène se justifierait techniquement, selon l’ADEME, s’il peut apporter un service supplémentaire à celui des batteries.

Autrement dit, l’avenir de la filière lui semble limité. Ce n’est pas le point de vue qu’avait exprimé dans une étude dite de prospective, Développons l’hydrogène pour l’économie française les grands partenaires industriels de la filière avec le concours du CEA et de l’AFHYPAC.

Ce document fixe des objectifs très ambitieux pour la filière : 400 stations de recharge vers 2030,  200 000  véhicules à hydrogène circulant sur les routes françaises en 2030.

En 2050 l’hydrogène pourrait représenter 20% de la demande d’énergie en 2050 (une production équivalente à 220 TWh) et la filière pourrait représenter un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros et 150 000 emplois.

Un miroir aux alouettes

Les mesures annoncées, par le plan ministériel ainsi que les perspectives optimistes de certains industriels laissent rêveur.

On part de l’hypothèse à long terme que tout l’hydrogène serait produit pas la voie électrique en utilisant de l’électricité nucléaire produite par des filières renouvelables ou le nucléaire, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Observons d’abord que les problèmes techniques ne sont pas évoqués alors que plusieurs verrous techniques demeurent, les partisans de la filière supposant sans doute que « Tout va très bien Madame la marquise ».

Nous les avions longuement évoqués dans une note, il y a deux ans.  Résumons  les : – le comportement à l’usage des électrodes de la pile qui pour des véhicules doivent utiliser du platine (métal rare, il est vrai recyclable mais à quel coût ?), des piles fonctionnant à haute température et sans platine étant plus adaptées à des installations stationnaires de production d’électricité. – le rendement de l’électrolyse qui ne dépasse pas 70% – le stockage doit être assuré sous très haute pression avec des matériaux adaptés, en général des composites (un stockage sous forme d’hydrures métalliques étant envisageable pour les piles stationnaires mais n’est plus évoqué).

Le rapport de l’ADEME résume bien les problèmes sans rentrer dans les détails : le rendement d’un système de stockage avec l’hydrogène est mauvais, il ne dépasse pas 30 %.

Un gaz dangereux

Observons aussi que les questions de sécurité sont rarement évoquées, or l’hydrogène est un gaz dangereux.

Il est donc peu réaliste d’envisager son utilisation dans des installations domestiques comme semble le fait l’ADEME, l’utilisation dans des installations de stockage de l’électricité sur un champ d’éoliennes ou une centrale solaire, donc à l’air libre, posant moins de problèmes.

Les questions de sécurité se poseront également pour des stations-service de remplissage (les flottes de véhicules utilitaires pouvant faire le plein dans un garage mieux sécurisé.

Et le coût dans tout ça ?

Il reste enfin un problème majeur, jamais évoqué : le coût financier  de la filière qui est un système complet.

Le coût de production de l’hydrogène sera lié à celui de l’électricité et au rendement, son utilisation dans le transport suppose la construction d’une infrastructure de stations de recharge sur tout le territoire, ce réseau étant quasiment inexistant.

Outre ses problèmes techniques, la filière risque d’être un boulet économique.

Si elle offre des possibilités au stockage de l’électricité dans certaines situations, notamment sur des sites isolés, elle ne sera très probablement pas une solution adaptée à la mobilité car elle est en concurrence directe avec les véhicules équipés de batteries dont les performances s’améliorent et les coûts moins élevés (quelques centaines de véhicules à hydrogène circulent dans le monde).

Il est vrai que le Japon  affiche une grande une grande ambition pour l’industrie de l’hydrogène et il veut faire des Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 une vitrine pour promouvoir la technologie japonaise et Toyota veut en être le fer de lance.

Son volontarisme s’explique sans doute la volonté de rééquilibrer le mix énergétique du Japon après Fukushima (où l’explosion d’hydrogène a gravement endommagé certains réacteurs…), en développant les énergies renouvelables pour la production d’électricité.

On peut se demander quel est le sens d’un objectif ministériel consistant à disposer d’un parc de 5000 véhicules utilitaires à hydrogène à l’horizon 2023 alors que le marché de la voiture électrique à batterie rechargeable décolle lentement mais décolle, il ne sert à rien de courir plusieurs lièvres à la fois surtout lorsque l’argent (et le platine !) sont rares.

Les perspectives de la filière hydrogène sont probablement limitées et sa rentabilité économique est très loin d’être assurée ce que soulignait déjà France Stratégie dans un rapport de 2014.

Son avenir est sans doute celui d’une technologie de niche.

Parier sur son développement à grande échelle est sans doute une erreur stratégique et industrielle. »

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Et voici ma réponse:

 »

Bonjour et merci pour cet article,
Travaillant moi-même dans l’hydrogène, je me permet d’apporter un point de vue différent sur la place de ce vecteur:

La Dangerosité: L’H2 est certes plus inflammable mais est aussi bien plus volatile et peut donc être plus facilement dissipé dans l’air. A titre d’exemple, en lançant à terre 2m3 d’H2 liquide vous obtiendrez une atmosphère non explosive au bout d’une minute seulement. C’est principalement pour cette raison que les pompiers (SDIS 44) préfèrent intervenir sur des véhicules H2 plutôt que GNV ou batterie avec lesquels le danger est plus important et moins maitrisé. De plus, une station-service H2 est bien plus sécurisée car les raccords rapide gaz ne permettent aucune fuite d’H2 contrairement aux stations essences où vous êtes en plein dans une atmosphère explosive à cause des vapeurs. En bref l’hydrogène est dangereux certes mais moins que les autres carburant à bien des égards.

En terme de stockage, la technologie est maitrisée. On peut citer les quelques 6000 véhicules dans le monde dont 250 Kangoo ZE-H2 en France circulant sur route et homologués et certifiés par le standard EC79. Le risque zéro n’existe évidemment pas, notamment avec une production de masse mais les stations comme les véhicules sont équipés des sécurités nécessaires (soupapes thermiques, raccords arrachable sécurisés, capteur d’inertie,…). De plus les constructeurs (Toyota, Hyundai, Honda) intègrent désormais ces réservoirs au design amont ce qui n’enlève en rien la capacité de chargement du véhicule.

L’origine de l’H2 est évidemment une question à soulever. A mon avis, il évoluera au même rythme que la pénétration des énergies renouvelables (hydrogène vert) voire plus rapidement via une production électrique nucléaire (hydrogène bleu). A titre d’exemple, Air Liquide vise 50% d’H2 bleu en 2020 et le projet Zéro Emission Valley en région Auvergne Rhône-Alpes installera 10 stations sur 20 avec un électrolyseur d’ici 2022.

Le problème du platine n’en est plus un. En effet, les dernière générations de pile utilisent trois fois moins de platine qu’un pot diesel catalytique et le recyclage est possible par les fabricants (cf études du DOE et du FCH-JU).

Le rendement de 30% de la chaîne de valeur H2 est supérieur à ce que propose aujourd’hui un moteur thermique. Comparer ce rendement à celui d’une batterie est d’un intérêt limité car il ne s’agit pas du même service rendu, à commencer par la production de chaleur dans un véhicule sans affecter l’autonomie. L’intérêt de l’hydrogène réside dans son approche systémique qui permet une grande variété d’usages. On parle ici de stocker les énergies renouvelables à grande échelle (Mass Energy Storage, MSE), de verdir les transports de forte puissance, de décarboner les process industriels, de valoriser le CO2, de valoriser la biomasse et le solaire via des procédés de production direct d’H2. Ces services rendu sont complémentaire à la batterie et justifient la perte de rendement associé. D’autant que l’arrivée de l’électrolyse haute température permet de passer de 70% à 95% de rendement sur la production d’H2.

En terme économique les technologies européennes de piles à combustible et d’électrolyseurs restent dans la course mondiale contrairement à la batterie où les chinois vont remporter le marché par les prix pour un même niveau technologique que les fabricant européens. De plus, l’investissement fait par l’Europe dans le secteur H2 se répercute de manière bénéfique sur de nombreux secteurs (EnR, mobilité, industrie).

En terme technique, l’H2 à un rôle important à jouer dans les fortes puissances, là où la batterie reste trop lourde et trop longue à charger malgré son prix décroissant. De plus les pays émergents tels que l’Inde ou le continent Africain ont un réel intérêt technique à stocker massivement leur énergie solaire par l’H2, là où la batterie n’est plus de mise (cf projet en Guyane).

Enfin, si l’hydrogène était une technologie de niche et une erreur technologique et industrielle je doute fort qu’autant d’industriels se lanceraient aujourd’hui dans la course. En effet, les membres de l’Hydrogen Council tel que Air Liquide, Toyota, Alstom, Audi, Total, Engie, Plastic Omnium et autres qui ont su créer des entreprise pérennes se mouillent aujourd’hui avec un positionnement ferme sur ce marché de l’H2.

L’hydrogène est tout sauf une niche, c’est le pivot d’un transition énergétique à long terme qui mérite d’être lu avec un autre prisme de lecture que celui focalisé sur la mobilité et les véhicules individuels. Ces mêmes véhicules qui eux aussi vont connaître une (r)évolution d’usage changeant ainsi les termes d’une équations insolvable qu’est la mobilité décarbonée dans les conditions actuelles de raisonnement.

A votre disposition pour échanger sur le sujet. »

HyFacts#18: ULEMCo rajoute un prolongateur d’autonomie H2 à un Mercedes Sprinter électrique.

HyFacts #18
du 30/07/2018 au 05/08/2018

HyFacts est une newsletter hebdomadaire du marché de l’hydrogène et des piles à combustibles proposée par EnerKa. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles détaillés.

– Mobilité –

  • Toyota dévoile la deuxième version de son poids lourd H2.
  • Cherbourg met en location des vélos H2 à partir du 30 Juillet.
  • Hyundai teste sont bus H2 à Séoul.
  • Un consortium Allemand (Nedstack, MARIN, Damen Shipyards Group,…) se lance dans le développement et la certification d’un système H2 pour les applications fluviales.
  • ULEMCo rajoute un prolongateur d’autonomie H2 à un Mercedes Sprinter électrique. Ce dernier est utilisé par le distributeur Ocado au Royaume-Uni.

 

– Stationnaire –

  • L’Islande produira son H2 à partir d’électricité géothermique pour 2020. La production suffira à couvrir les besoins du pays.
  • L’Australie étudie la possibilité de convertir son industrie de l’acier à l’H2.

 

– Business –

  • UQM, fournisseur de compresseurs pour système H2, s’implante en Chine en prévision de la croissance du marché H2 local.
  • Repsol et Enagás s’associent pour développer la production d’H2 solaire.

 

– Politique –

  • Le gouvernement Canadien envisage la production d’H2 à base de nucléaire en installant des Small Modular Reactors.

 

EnerKa est une société de conseil spécialisée dans le secteur de l’hydrogène et propose des services de gestion de projet, de business development et de conseils aux acteurs publics.

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Transport public et transition énergétique : où en est-on ?

Nous prenons chaque jour les transports publics et c’est sans doute la partie la plus visible de la transition énergétique qu’il nous ait donné de voir en tant que citoyens. Cette vitrine du transport, qui représente tout de même 30% des émissions de GES, est en partie sous la responsabilité des collectivités, mais le virage n’est pas facile à prendre compte tenu des différents choix technologiques possibles. Il faut donc, à son échelle, arbitrer entre le diesel, les biocarburants, le GNV, la batterie et l’hydrogène pour ne citer que les principales options.

La transition énergétique change aussi la donne en termes de prise de décision car elle amène une diminution des coûts d’opération (OPEX, typiquement le carburant), mais à la fois une augmentation des coûts d’investissement initiaux (CAPEX, mise en place des stations par exemple). Cette évolution s’inscrit dans une prise en compte du long terme, concept parfois difficile à concilier avec une concurrence ouverte et encouragée jusque-là par l’Europe. De plus, face aux nombreuses alternatives, les achats de transports collectifs par les collectivités s’apparentent moins à un banal renouvellement de flottes qu’à un paris sur l’avenir. Comme le rappelle la Caisse des dépôts lors d’un récent colloque sur le sujet, aucune alternative n’est complètement mature pour justifier un investissement dans une filière en particulier. Sur la base de récents retours de terrain, la synthèse ci-dessous va tenter d’apporter quelques éclairages sur la situation énergétique dans les transports publics.

Un gaz naturel véhicule (GNV) bien avancé

Le GNV est aujourd’hui le carburant alternatif le plus représenté en France. Son utilisation est principalement pressentie pour les usages périurbains. C’est dans cette dynamique que le constructeur IVECO Bus s’est positionné avec son modèle Low-entry. Son design est d’ailleurs accordé avec son usage puisqu’il dispose de nombreuses places assises pour les longs trajets et un plancher bas pour les passages en ville. Le GNV bénéficie aussi d’un retour d’expérience relativement important dans la mesure où il est utilisé par les transporteurs logistiques ce qui permet aux constructeurs d’améliorer leur technologie plus rapidement. Encore à ses débuts, l’utilisation de biogaz à grande échelle est envisagée pour décarboner cette filière du moteur thermique.

 

La batterie à l’épreuve

Alors que les voitures électriques montent en puissance, le transport collectif semble bénéficier d’une économie d’échelle générée avec un TCO comparable à une solution hybride selon certains opérateurs. Cependant, les inconvénients liés au temps de recharge sont réels. En effet, une flotte ne peut pas compter sur une opérabilité identique au diesel à moins d’augmenter significativement, voire de doubler sa taille. Les fournisseurs d’infrastructures comme Vinci Energies essayent donc de miser sur une souplesse des installations avec des architectures de recharge adaptées aux contraintes (taille de flottes, capacité du réseau, gestion de la charge). Dans un même temps, ces derniers s’alignent sur une compatibilité avec tous les constructeurs ; les standards des prises de recharge n’étant pas complétement homogénéisés. Reste encore le retour d’expérience sur la fiabilité de ce système qui, côté batterie, semblerait être maitrisé mais qui resterait à perfectionner côté bornes de recharge. Enfin, dans l’optique de limiter le risque financier encore non écarté lié à la durée de vie de la batterie, la Caisse de dépôts et EDF proposent conjointement des solutions de location. Cette offre permettrait de soulager les opérateurs de ce potentiel surcoût. A noter que des villes comme Saint-Etienne réinvestissent dans le trolleybus (câble) et que le constructeur IVECO Bus revient dans la course avec son modèle trolley Crealis Neo.

L’hydrogène : « le petit nouveau »

Contrairement au gaz ou à la batterie, le bus à hydrogène ne bénéficie pas du retour d’expérience d’un autre secteur ni d’une économie d’échelle. Cette technologie est donc considérée comme une filière à surveiller mais encore naissante. Elle ne suscite pas non plus un intérêt immédiat, ni des constructeurs comme IVECO bus, ni des opérateurs comme Transdev. A l’inverse, l’Europe mise sur l’avenir de cette filière avec des programmes et des financements répétés (JIVE1, JIVE 2, CHIC, etc). Ces derniers incitant notamment les collectivités à mutualiser leurs achats afin de donner une visibilité aux constructeurs, les encourageant ainsi à investir dans cette technologie. Concernant le prix à l’achat d’un bus 12m, l’objectif est de passer de 1 million d’euros à €625,000 pour 2020 voire à €350,000 en 2023 pour des commandes supérieures à 100 bus nous confie Vallérie Bouillont Delporte, Présidente d’hydrogène Europe. Avec l’appui de l’Europe et l’annonce du plan national hydrogène apportant un soutien de €100 millions sur 5 ans, la conjoncture est donc favorable pour ce « petit nouveau » qui serait amené à connaitre une croissance rapide.

Ne pas enterrer l’Euro 6

Malgré une conjoncture peu favorable (arrêtés municipaux, dieselgate, hausses des prix), le diesel reste dans la course grâce à des évolutions techniques permettant une mise en conformité à la norme européenne Euro 6. Bien que plusieurs communes adoptent des approches plus restrictives que cette norme, le bus diesel a donc encore sa place dans beaucoup d’autres localités. Il faut aussi noter l’arrivée des carburants de synthèse tels que le GTL (gas-to-liquid) et les HVO (huiles hydrogénées) qui peuvent servir de carburant de transition.

Pas de solution unique

D’une manière générale, les opérateurs s’expriment en faveur d’une solution différente et adaptée à chaque configuration d’exploitation. La longueur de ligne, le relief, la hauteur sous pont mais aussi les synergies possibles avec les ressources locales (solaire, éolien, biomasse, hydrogène) sont autant de paramètres qui excluent une solution unique pour l’ensemble du territoire national. Au-delà des aspects technologiques, les opérateurs restent très sensibles à l’accompagnement dont les fabricants font preuve lorsqu’ils apportent une nouvelle solution. En effet, les problèmes dus aux débuts des motorisations alternatives sont plus acceptables lorsque le fournisseur assure un accompagnement technique sous forme d’assistance, de maintenance et de formation.

Des pistes d’améliorations

Face à ce basculement de l’OPEX vers le CAPEX, le retour du temps long doit se traduire jusque dans les contrats entre les collectivités et les opérateurs. En effet, les engagements vis-à-vis de ce dernier se font rarement sur plus de 4 ans, souvent avec des courtes périodes reconductibles, ce qui ne favorise pas l’investissement de l’opérateur dans la durée. De plus, les régions, qui se renforcent avec le récent aménagement territorial, doivent construire des stratégies communes dans leur choix technologique pour faciliter le positionnement des constructeurs et des filières. Enfin, le maillon le plus faible de cette transition énergétique reste certainement les PME qui souhaitent un accompagnement financier par les organismes publics. Ces dernières sont en effet sujettes à une certaine précarité financière face à ces investissements pouvant être risqués.

N’oublions pas non plus la place qu’occupe la France dans cette transformation des transports. Le constat étant que, dans chaque filière, un acteur national est en mesure de se positionner dans la chaîne de valeur. C’est notamment le cas du développement des BMS (Battery Management System) pour les batteries, de la logistique du gaz pour le GNV, ou encore de l’équipement pour la pile à combustible. L’avenir proche nous dira si ces maillons seront suffisamment solides pour faire face à la vague de bus électriques chinois qui ne manqueront pas d’inonder le marché européen d’ici quelques années.

Karel HUBERT

Ingénieur Conseil
Téléphone : 06 01 76 27 98
e-mail : karel.hubert@eneos-conseil.com
Blog : www.energyvisionblog.wordpress.com